Voler sous le ciel étoilé

Voler sous le ciel étoilé

Voler la nuit est un autre monde comparé au vol VFR de jour. L’air est plus calme et le trafic est beaucoup moindre. L’été, avec le soleil en moins, la température est plus confortable. Mais qui dit soleil en moins, dit aussi visibilité moindre. Ou du moins, visibilité différente. Le vol de nuit dissimule un charme bien spéciale qui nous permet de redécouvrir le vol sous un nouvel aspect. L’avion ne sait pas qu’il vole sous le soleil levé ou couché, mais pour l’être humain, c’est un apprentissage qui recèle plusieurs facteurs humains et physiologiques à ne pas négliger.

 “Le niveau de risque associé aux vols de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) est plus élevé que celui des vols VFR de jour, … Les données historiques sur les accidents aériens indiquent non seulement que le risque d’être victime de certains types d’accidents spécifiques est plus élevé la nuit (…), mais qu’en plus ces accidents sont le plus souvent mortels.” (- John Heiler, Circulaire 04-2000.) 

Pourquoi?

Pour les raisons ci-haut mentionnées, j’ai pris mon temps avant d’aller chercher ma qualification pour le vol de nuit. J’ai passé beaucoup de temps dans les trois premières années de ma formation de pilote (on arrête jamais d’apprendre!) à lire des rapports d’accidents et sur les facteurs humains*1. La zone grise m’intrigue toujours. Les décisions sont nombreuses en tant que pilote, et quant à moi, plusieurs des choix que nous devons prendre ne sont ni noirs ou blancs, mais se situe plutôt dans une large bande grise. C’est pourquoi je n’étais pas intéressée à faire cette qualification tout de suite après avoir obtenu ma licence de pilote privé. Je préférais acquérir de l’expérience et des heures de vol avant. J’ai terminée ma licence de pilote privé en octobre 2014 et ce n’est qu’en mars 2016 que j’ai débuté ma formation pour le vol de nuit.

Retour de Yarmouth, NS. Je suis arrivé juste avec le coucher du soleil à Gatineau.
À Drummondville avant mon retour à Gatineau. Cette fois, aucun stress pour le retour. Première fois où mon vol de nuit a été pratique.

Quand je m’y suis lancé, mon but était seulement de m’offrir une plus grande flexibilité quant à mon heure de retour à la maison, si nécessaire. De pouvoir quitter un peu plus tard et ne pas m’inquiéter d’arriver avant le coucher du soleil (+30 minutes). Et puis j’ai découvert tout le plaisir…

Les différences avec le vol de jour

Les perspectives sont différentes la nuit. Par exemple, la technique d’atterrissage est différente. Mon instructeur m’a formé à faire une approche haute, plein volet et une fois près de la piste de regarder au loin les lumières rouges de fin de piste et d’utiliser un peu de puissance pour laisser l’avion s’assoir doucement. C’est un défi de jauger ses distances et ainsi faire un arrondi adéquat. Avec ou sans lumières d’atterrissage. Mon premier atterrissage a été loin d’être doux et… m’a surpris!

Mis à part la vue magnifique la nuit, ce qui m’a le plus marqué est combien la planification pré-vol est doublement importante. Lire une carte, ou même prendre des notes, est un défi. Dans le cas de mon avion (Cessna 150F), j’ai une lumière rouge dans la cabine ce qui fait que plusieurs dégradés de couleurs et informations sur la carte de navigation disparaissent. Par exemple, les points jaunes ou formes pour les villes ne sont plus remarquables. Tu peux utiliser ta lampe de poche (lumière blanche) mais ce n’est pas très pratique à utiliser en continue avec toutes les autres tâches de pilotage. (Partagez vos trucs si vous en avez.) L’outil Foreflight est d’une grande valeur mais il faut s’assurer de diminuer la luminosité afin que celle-ci ne dérange par votre vue de nuit. (Note: je n’utilise pas Foreflight en ce moment, mais j’ai vu passer qu’il y a maintenant une option pour le vol de nuit. À essayer.)

Avec la qualification de nuit, je demeure limité aux vols VFR, c’est-à-dire avec référence au sol. Par contre, vos références au sol seront masqués et donc changeront. Les villes, ou même les petits villages plus difficilement repérables le jour, s’illuminent à des milles de distance dans la nuit. Évidemment ceci dépends de l’heure. À 3h00 du matin la luminosité pourrait être différente. Après tout, vous fermez vos lumières de maison quand vous allez dormir.

Les routes sont également d’avantage visibles quand des véhicules y circulent. Le premier véhicule que j’ai vu, je pensais que c’était un avion. Une chance que j’avais un instructeur avec moi. On dirait de petites fourmis avec leur lampe frontale!

Quand les vents sont forts, outre votre Foreflight et vos calculs avec le E6-B, vous pourrez avoir une idée relative de votre vitesse sol grâce à ces véhicules. Je me rappelle un vol à l’automne dernier où les vents étaient particulièrement défavorables sur une partie de mon trajet. Je volais en parallèle de l’autoroute 401 en Ontario, entre Cornwall et Brockville, quand j’ai réalisé avec désarroi que mon avion, mon vaillant Roméo, me transportait plus lentement que les véhicules au sol. Une bonne vitesse de croisière moyenne (par rapport au sol) serait 85-90 noeuds (157-166 km/h) dans mon Cessna 150. Le mieux que j’ai vu a été 114 noeuds (211 km/h) au-dessus de l’état du Maine, US. J’ai payé pour au retour avec un maigre 60 noeuds (111 km/h). Un 60 noeuds que j’ai retrouvé sur le bord du fleuve St-Laurent.

Considérations pour l’essence

Selon le manuel de mon avion, j’ai une autonomie de 4 heures de vol. Évidemment, ça dépends de quelques facteurs. Personnellement, j’aime avoir une bonne marge de manoeuvre quand je pense à l’essence et préfère rester en de-ça de 3.5 heures. Au contraire d’une automobile où tu peux simplement arrêter sur le bord de la route sans briser rien, l’avion c’est une autre histoire. Encore plus la nuit où les endroits pour un atterrissage de précaution ou d’urgence sont plus difficiles à repérer. Les champs n’étant plus une option.

Ce ne sont pas tous les aéroports qui offrent un service 24h pour l’essence. Donc vos vols-voyage de nuit doivent prendre vos besoins en ravitaillement en considération. Si certains aéroports comme Smiths Falls offre de l’essence en libre-service avec paiement par carte de crédit, d’autres pourraient vous charger des frais de 50,00$ ou plus pour une demande de service en-dehors des heures d’ouverture. Ou simplement aucun service. (En tant que pilote vous connaissez déjà tout ça, grâce à la consultation du CFS.) Je me rappelle un arrêt à Pembroke après 19h00 où malgré plusieurs appels de service, nous n’avions eu aucun rappel, ni essence.

La beauté du vol de nuit

S’envoler dans la noirceur et admirer toutes ces lumières en-dessous de nous est sublime. Regarder les étoiles au-dessous de nous qui semblent un peu plus proche… Ou s’émerveiller aux lunes spéciales.

Photo prise le 15 novembre 2016. Un vol où la lune était tellement grosse dans le ciel. L’une des plus grosse du siècle. Un bon temps pour profiter de sa qualification pour le vol de nuit.

Voir s’illuminer une piste dans un gros trou noir. Quand tu approches Smiths Falls la nuit, celle-ci semble être située dans un immense trou noir, et puis, tu actives les lumières de piste grâce à ton PTT (Push To Talk pour les communications radio) et tu vois soudainement apparaitre deux belles lignes blanches. C’est presque magique! La piste de Gatineau, lorsque activée, est visible à un bon 15NM (si non plus) et avec ses lumières d’approches elle est fantastiquement facile à repérer. Ça ressemble presque à un sapin de Noël style aviation!

Les photos de nuit prisent du haut des airs sont bien, mais ne rendent pas complètement honneur à toute la beauté que nos yeux sont capables de capter. Un vol est requis.

Temps pour terminer ma formation

Mon premier vol fût un vol aux instruments, de jour, le 21 mars 2016. J’ai terminé avec un vol voyage solo aller-retour Gatineau-Lachute de nuit le 20 juillet de la même année. Cette qualification n’est pas nécessairement très longue à compléter mais j’ai étalé ma formation pour différentes raisons personnelles et pratiques. Les temps idéales sont au printemps et à l’automne puisque la nuit commence pas trop tard. Je me rappelle être rentré quelques fois à 1h00 ou même 2h00 du matin suite à un vol de formation… Ça bouscule un cycle circadien! (Surtout avec deux enfants à la maison.)

Coûts

Les coûts de la formation varient. Lachute Aviation, avec un avion de location, évalue le montant à 2250,00$. Quant à moi, j’ai fais la formation avec mon avion donc les coûts ont été beaucoup moindre.

Résumé

J’ai fais quelques autres vols-voyage depuis l’obtention de ma qualification pour le vol de nuit. J’ai apporté quelques passagers, dont ma fille (âgé à ce moment de 7 ans). Elle a comme moi trouvé ça très jolie. Nous avons passé au-dessus de l’aéroport international d’Ottawa avec sous nous des jets qui atterrissaient. Je planifie faire plusieurs autres vols de nuit lorsque la température sera plus chaude. L’hiver c’est possible, mais moins agréable à cause du froid. Il faut aussi penser à ranger l’avion au retour…

Autres informations et documents pertinents

Pré-requis pour obtenir une qualification pour le vol de nuit, selon le site de Transports Canada:

Licence de pilote privé – avion

a) Expérience

Le demandeur d’une qualification de vol de nuit doit avoir accumulé sur avion au moins 20 heures de vol en qualité de pilote, dont :
(modifié 2003/06/01; version précédente)

(i) au moins 10 heures de vol de nuit comprenant au moins :

(A) cinq heures de vol en double commande, dont deux heures de vol-voyage;

(B) cinq heures de vol en solo comprenant 10 décollages, 10 circuits et 10 atterrissages;

(ii) au moins 10 heures de temps aux instruments en double commande;

(iii) au plus cinq heures de temps aux instruments peuvent être décomptées des 10 heures de temps aux instruments au sol pourvu que le temps total aux instruments s’ajoute aux 10 heures de vol de nuit prévues au sous-alinéa a)(i) susmentionné.(modifié 1998/03/23; version précédente)

Exigences relatives à l’équipement de l’aéronefs. (605.16(1))

Le coin de la COPA : L’ABC du vol de nuit. Document recommandé par mon instructeur pour me préparer à la formation pour le vol de nuit. Un document très instructifs à propos des effets physiologiques du vol de nuit.

Jeu-questionnaire sur le vol de nuit de Transports Canada.

*1 Un livre que j’ai apprécié sur les facteurs humains est Human Factors for Aviation, Basic Handbook, publié par Transports Canada. ISBN 0-660-1655-0 (TP 12863 (E))

 

Merci à Pascal Forget, un lecteur assidu, pour la suggestion de cet article.

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