Seriez-vous prêt à atterrir dans un champ?

Seriez-vous prêt à atterrir dans un champ?

Un des exercices lors de la formation au pilotage est l’atterrissage de précaution. L’exercice 21 dans le manuel de pilotage de Transports Canada, décrit cet exercice ainsi:

“L’objet de l’exercise consiste à réussir un atterrissage à un endroit où l’on a des doutes sur le caractère adéquat de la surface d’atterrissage ou pour lequel on ne dispose pas d’informations préalable. Par conséquent, le pilote doit inspecter visuellement l’endroit et la surface pour obtenir suffisamment de renseignements afin de prendre les bonnes décisions au moment de l’entrée en circuit et des procédures d’approche et d’atterrissage.”

En novembre dernier, je présentais un des séminaires approuvés de TC pour la mise à jour des connaissances et j’ai eu l’opportunité d’interagir avec un bon groupe de près de 30 pilotes. Plusieurs belles discussions, mais celle qui a particulièrement captée mon attention fut celle sur les atterrissages de précautions. J’aime faire participer les gens, et leur poser des questions pour faire réfléchir. Je crois qu’il est important de prendre certaines décisions critiques au sol avant de partir. D’avoir une image mentale de ce que notre vol devrait être, comment il se déroulera, et ce que nous verrons en vol qui nous fera faire demi-tour, par exemple.

Lorsque j’ai demandé au groupe qu’est-ce qu’un atterrissage de précaution, la réponse fût principalement visée pour un aérodrome où on ne connait pas l’état de la surface d’atterrissage. Mais la même approche est valable pour toutes autres surfaces. Applicable par exemple pour les hydravions ou avions sur skis.

Lors de nos discussions, je leur ai posé cette question avec le contexte suivant.

Vous êtes en vol, malgré une planification pré-vol adéquate, vous faites face à une météo qui se détériore. Vous volez maintenant avec 2 milles de visibilité, plafond qui descend et vous ne voyez plus rien au-delà d’un rayon de 5 NM autour de vous dû à des précipitations. Aucun aérodrome dans les environs.

Seriez-vous prêt à atterrir votre avion dans un champ?

Un long moment de silence. J’ai vu des pilotes qui se questionnaient sérieusement. À presque l’unanimité, les gens ont répondus qu’ils ne voudraient pas atterrir leur avion, ou un avion de location, dans un champ principalement pour ne pas risquer de l’endommager.

Pourtant les conséquences de retarder cette décision, ou de refuser de la prendre mènent vers un accident de CFIT (Controlled Flight Into Terrain). Les statistiques nous révèlent que:

  • 80% des accidents se produisent dans l’aviation générale.
  • 70% des accidents se produisent sur un monomoteur.
  • 75% des accidents entrainent le décès de tous les occupants de l’aéronef.

“Dans la majorité des accidents de CFIT, habituellement, le pilote ne se rend pas compte de la catastrophe imminente avant qu’il soit trop tard.”

Politique de votre club ou école de pilotage

Connaissez-vous la politique de location si vous atterrissez l’avion autre qu’à un aérodrome? Quels sont vos responsabilités, et les conséquences? Les connaitre, et prendre votre décision avant de partir, si vous deviez vous retrouver dans une situation de météo qui se détériore rapidement, pourrait vous sauver la vie à vous et à vos passagers.

Étude de cas

Vers la fin du séminaire, nous avons fait une étude de cas d’un accident CFIT où un pilote s’est retrouvé dans les conditions décrites ci-haut, qu’il n’a pas pris l’altitude nécessaire et s’est écrasé dans une montagne. L’un des premiers commentaires fût: “Pourquoi n’a-t-il pas atterri dans un champ?”

Mère Nature

Même si nous planifions adéquatement nos vols, incluant la révision de la météo, il est tout à fait possible que Mère Nature nous surprenne. Les accidents de CFIT n’arrive pas seulement aux pilotes téméraires. C’est pourquoi la formation au pilotage inclut de nombreux scénarios pour faire face aux imprévus.

Conclusion

J’écris sur ce sujet en toute humilité, et je crois sincèrement que nous sommes tous prône à devenir une statistique puisque nous sommes… des êtres humains avec toute nos beautés et nos faiblesses. Ils n’ont pas écris des livres sur les facteurs humains en aviation pour rien! (Moi y compris!) J’espère que cet article vous fera réfléchir et vous aidera à mieux assumer vos décisions en vol comme commandant de bord (PIC) et à profiter de vos magnifiques privilèges de vol pour de nombreuses années.

Si vous avez déjà eu à prendre cette décision, j’aimerais discuter avec vous.

Commentaires

Commentaires laissés sur les médias sociaux lors du partage de cet article. Je les publie ici puisque je pense qu’ils ajoutent de l’informations pertinentes pour tous.

Fred Javin. Un des aspects que j’aime abordé dans mes cours est la prise de décision. Selon moi, l’atterrissage en tant que tel est simple comparé à la prise de décision d’admettre qu’on est dans une situation au-delà de nos capacités. Excellent sujet, merci!

Kenny Blackburn 🤔 je le fais à chaque vol! 🤦‍♂️😲🤷‍♂️ Montgolfière Sky crazy

Ghislain Buisson Chez Québec Aéronature on fait ça tout le temps, justement pour démystifier l’atterrissage hors piste. Bien sur, tous nos avions sont équipés de roues toundra, mais pratiquer l’entrainement à la panne moteur “jusqu’au bout” est un exercice très riche d’enseignement (reconnaissance du type de surface, des différentes plantations, découverte des chemins de ferme, etc…), et aide à prendre les bonnes décisions le jour où un vrai atterrissage de précaution ou d’urgence doit être effectué… Prochaines formations sur roues au printemps 2024 😉

15 réflexions sur « Seriez-vous prêt à atterrir dans un champ? »

  1. Encore un excellent article Nathalie. J’ai assisté à ton séminaire en novembre et ça m’a fait aussi beaucoup réfléchir. Quand tu disais “prenez le décision avant de décoller”. C’est en plein ça. Je dois être prête mentalement à cet éventualité avant de décoller. Merci pour ces réflexions toujours intéressantes et pertinentes.

  2. Excellent article avec un mot bizarre aussi utilisé durant la présentation : prône n.m. Instruction qu’un prêtre fait, le dimanche, à la messe paroissiale. prôner v.t. Recommander vivement quelque chose en

    1. Merci René François. Ton commentaire m’a fait chercher et je me suis rendu compte que j’utilise un anglicisme. J’utilisais le mot “prôner” en français mais avec la définition anglophone. “likely to or liable to suffer from, do, or experience something, typically something regrettable or unwelcome.” Ah les joies du bilinguisme au Canada!

  3. Très intéressant Nathalie

    Je pilote mon Cardinal et j’ai aussi beaucoup d’heures en planeur. En planeur nous devons toujours être prêts a nous poser dans un champs. Nous améliorons nos probabilités de succès d’un atterrissage aux vaches en connaissant les risques, celui de choisir un hon champs, connaissance de la pente, les fils électriques etc. Lorsque je vole en avion j’ai le même réflexe, si panne de moteur ou météo ou vais-je me poser? Et en plus, une panne moteur transforme votre avion en un planeur pas vraiment performant!

  4. Bonjour Nathalie, j`ai eu l`ocasion de prendre cette décision lors d`un vol avec mon instructeur durant un des derniers vols. Le vol formation était en zone contrôler St-Hubert un peu nerveux aucune expérience avec un contrôleur. Nous tournons en base et la question de mon instructeur est: Nous sommes dans la soupe sauf là que fait tu ? Réponse je me dirige dans le trou pour y fair un attérrissage d`urgence. Elle était heureuse de ma réponse.

  5. Bonjour

    Très pertinent et juste comme principe que de prendre la décision avant de partir. Cela est en accord avec les articles que j’ai lu dernièrement dans le EAA Magazine. Prendre la décision avant de devoir la prendre. Un peu comme de connaitre ses valeurs de base dans la vie guide nos actions.

    PS : J’aurais aimé voir des liens (boutons) vers des réseaux sociaux pour t’ajouter et même partager. Continue à écrire !

    Bon vol !

    JF (élève pilote)

    1. Merci JF! En effet, beaucoup de choses de l’aviation s’applique à la vie de tous les jours. Je vais regarder pour ajouter des boutons pour me suivre. Je croyais qu’il y en avait un pour les nouveaux articles sur mon blogue. Je continuerai d’écrire, merci de me lire et bonne continuation avec ta formation!

  6. Dernier recours et, décision déjà planifié avant départ, et décision s’impose avant réflexion hasardeuse; et,procédure de atterrissage de précaution. J’insiste, dernier recours
    Connaissant la région à 100 milles de rayon,;il est fort possible que je trouve un aéroport de dégagement, ( évidemment je sais d’avance qu’il n’y a pas de montagne

  7. Bonjour Nathalie,
    Prendre note que j’ai lu ton article… toujours aussi intéressant à lire les unes que les autres. J’invite pas le fait même les pilotes à faire autre chose aussi que des atterrissages sur piste pavée. L’atterrissage sur piste off-road apporte au pilote une autre dimension en matière d’expérience et de confiance en soit. Je me rappelle encore de mes premiers atterrissages sur gazon et/ou gravier j’avais peur de perdre le contrôle de l’avion…aujourd’hui je me sens beaucoup mieux préparé à l’atterrissage dans un champs dans une situation d’urgence ou autre…en tout humilité, bravo pour ta belle réflexion encore.

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